Lutte contre l’antibiorésistance : les antibiogrammes ciblés dans les infections urinaires, une approche essentielle
En France, chaque année, environ 125 000 patients sont atteints d’infections à bactéries résistantes aux antibiotiques, lesquelles entrainent 5 500 décès. Les infections urinaires sont l’une des principales causes de prescription d’antibiotiques, aussi est-il essentiel d’en promouvoir le bon usage. C’est pourquoi la société française de microbiologie (SFM) et la société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) ont élaboré une recommandation de bonne pratique afin de favoriser les antibiogrammes ciblés pour les infections urinaires à entérobactéries dans la population féminine, à partir de 12 ans. La HAS a labellisé cette recommandation et encourage fortement les microbiologistes et les cliniciens à s’en saisir. Cette recommandation s’inscrit dans le cadre du plan national de lutte contre l’antibiorésistance piloté par le ministère chargé de la Santé.
Antibiogrammes ciblés : des résultats adaptés en fonction des informations cliniques
La recommandation de bonne pratique élaborée par la société française de microbiologie (SFM) et la société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et labellisée par la HAS, s’adresse aux biologistes, en particulier aux microbiologistes, ainsi qu’à tous les cliniciens amenés à prendre en charge une infection urinaire féminine à entérobactéries à partir de 12 ans.
L’objectif est de diminuer la prévalence des traitements antibiotiques inutiles ou inappropriés en mettant à disposition de tous les professionnels de la santé concernés les outils pour améliorer la pertinence des prescriptions.
Ces recommandations encouragent l’utilisation des antibiogrammes ciblés dans les cas d’examens cytobactériologiques des urines (ECBU) positifs aux entérobactéries, comme moyen de guider les prescriptions d’antibiotiques en conformité avec les recommandations nationales.
Les prescripteurs jouent un rôle important dans l’utilisation des antibiogrammes ciblés. En effet, en fournissant les informations cliniques nécessaires aux laboratoires, ils permettent d’adapter le rendu des résultats des antibiogrammes ciblés et la liste des antibiotiques recommandés.
Ce rendu peut être élargi en fonction de la gravité des cas traités ou de l’épidémiologie locale. L’antibiogramme ciblé concerne le rendu des antibiotiques et non pas la liste des antibiotiques testés). L’antibiogramme complet reste donc disponible sur demande du prescripteur auprès du laboratoire. Il est également essentiel pour la surveillance épidémiologique de la résistance aux antibiotiques.
De manière générale, il est recommandé de privilégier l’utilisation d’antibiotiques à spectre étroit et de réduire celle d’antibiotiques dits « critiques », en raison de leur spectre large et de leur capacité à sélectionner des résistances (par exemple, les fluoroquinolones).
Des recommandations qui intègrent des tableaux décisionnels
Les recommandations proposent trois tableaux décisionnels de rendu des antibiogrammes ciblés en cas d’ECBU positif aux enterobacterales selon le phénotype de résistance : en l’absence de renseignements cliniques, en cas de cystite ou en cas de pyélonéphrite. Elles indiquent la liste des molécules devant figurer dans le compte-rendu de l’antibiogramme ciblé.
Il est également recommandé de rendre les résultats pour les antibiotiques testés auxquels la souche est catégorisée comme « résistante ».
De plus, des commentaires sont associés au compte-rendu d’analyse pour l’interprétation des résultats et l’usage approprié des antibiotiques.
Ces commentaires sont notamment les suivants :
- tous les cas d’infections urinaires ne nécessitent pas de traitement antibiotique, en particulier en cas de colonisation bactérienne sans symptômes ;
- en cas de cystite simple, le traitement repose sur une antibiothérapie probabiliste et ne nécessite pas la réalisation d’un ECBU ;
- la liste des molécules rendues inclut les antibiotiques les plus adaptés aux recommandations en vigueur et privilégie les antibiotiques à faible impact écologique.
Il est rappelé également que la prescription doit tenir compte de l’analyse bénéfice/risque en fonction des dernières données scientifiques et des alertes de l’ANSM.
Ces travaux seront prochainement actualisés pour intégrer les infections urinaires masculines à entérobactéries chez l’adulte (à partir de 16 ans) et les infections urinaires pédiatriques (filles de moins de 12 ans et garçons de moins de 16 ans).
Haute Autorité de Santé, 11/10/2023