Lettre thématique de l’Observatoire national des violences faites aux femmes sur le système prostitutionnel
Cette lettre thématique sur le système prostitutionnel en France de l’Observatoire national des violences faites aux femmes publiée à l’occasion de l’anniversaire de la loi de 2016 et qu’Aurore Bergé a inscrite comme mesure de la Stratégie nationale de lutte contre le système prostitutionnel, s’efforce de mettre la lumière sur une réalité complexe, encore mal connue et donc mal mesurée. L’ambition pourtant est de documenter, chaque année un peu plus précisément, l’ampleur et les facettes de ce phénomène qui conduit des femmes, des jeunes filles, des enfants, à être victimes de prostitution et d’exploitation de leur corps, par des hommes la plupart du temps.
Si la vague #Metoo continue de déferler, contribue à libérer la parole et briser peu à peu l’omerta sur les violences sexistes et sexuelles subies par les femmes et les enfants, force est de constater que la violence prostitutionnelle en demeure la grande absente ce qui illustre encore le déni de la société. Les victimes sont encore largement invisibilisées, passant sous les radars des forces de sécurité et des pouvoirs publics en général. Les auteurs de ces violences, qu’ils soient clients prostitueurs ou proxénètes, profitent d’un système qui sert leur impunité et donc leur commerce lucratif.
Toutefois, depuis quelques années, une évolution a été amorcée grâce au travail des associations qui repèrent et accompagnent les victimes, des médias qui éveillent les consciences, de certains professionnel·le·s de la protection de l’enfance, de l’éducation nationale, des unités spécialisées au sein de la police, de la gendarmerie ou des tribunaux (nous citerons plus loin le travail remarquable de la DIFAJE au parquet de Bobigny) qui s’efforcent de poursuivre les auteurs, protéger et mettre à l’abri les victimes. Faire appliquer la loi, donc.
Au regard du faible nombre de victimes enregistrées, de clients verbalisés et d’auteurs poursuivis, le décalage semble grand avec les réalités et notre perception du phénomène. Il faut néanmoins noter que le nombre de mis en cause dans des affaires de proxénétisme traitées par les parquets augmente chaque année de 12 % en moyenne depuis 2017. Le nombre de victimes mineures de proxénétisme enregistrées a, lui, augmenté de 14 % depuis 2021 et l’augmentation est de 107 % pour le nombre de mineur·e·s victimes d’un achat d’actes sexuels. Ces hausses traduisent les stratégies des proxénètes qui exploitent des vulnérabilités multiples et recourent souvent à l’utilisation de stupéfiants pour asseoir leur emprise.
Pilier du patriarcat, les violences prostitutionnelles touchent quasiment exclusivement les filles et les femmes : plus de 9 victimes sur 10 de proxénétisme ou de recours à la prostitution sont des femmes. Les clients de prestations sexuelles tarifées ne cherchent pas à assouvir de prétendues pulsions mais uniquement à dominer l’autre, à en faire leur esclave et leur propriété. Ne pas condamner la réification des enfants et des femmes dans la prostitution – ou la pornographie – c’est se rendre complice de la violation de leurs droits fondamentaux.
Face à des faits gravissimes, l’action publique doit encore progresser :
- Grâce à la formation des professionnel·le·s et la prévention au risque prostitutionnel, dès la 4ème, dans le cadre de l’EVARS ;
- En accompagnant mieux l’accès aux parcours de sortie de la prostitution et la sécurisation de l’insertion sociale et professionnelle des femmes à l’issue de ce parcours ;
- En garantissant une mise à l’abri des victimes dans les places d’hébergement d’urgence dédiées aux femmes victimes de violences, grâce à la circulaire attendue de la Dihal prévue par le 3e plan national de lutte contre la traite et par la Stratégie de lutte contre le système prostitutionnel ;
- Enfin, grâce à la mise en place de stratégies départementales pluriannuelles ambitieuses sous l’autorité des préfet·e·s, pour coordonner et animer l’action des institutions et associations et lutter plus efficacement contre le système prostitutionnel et l’exploitation sexuelle des mineur·e·s.
La Miprof est résolument engagée dans ces combats.
Roxana Maracineanu
Secrétaire générale de la Miprof