Veille juridique

Décision n° 2024-865 DC du 7 mai 2024 – Loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes

  • En réponse au grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, la décision de ce jour du Conseil constitutionnel rappelle que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution – qui prévoit que « La loi fixe les règles concernant… la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables » – ainsi que du principe de légalité des délits et des peines – qui résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 – l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire.
  • À cette aune, s’agissant de l’incrimination de la provocation à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical, prévue par le premier alinéa du nouvel article 223-1-2 du code pénal, le Conseil constitutionnel relève, en premier lieu, d’une part, que le comportement réprimé par ces dispositions doit se matérialiser par des pressions ou des manœuvres réitérées tendant à l’abandon ou à l’abstention d’un traitement médical. Cet abandon ou cette abstention doit être présenté comme bénéfique pour la santé de la personne concernée. D’autre part, le délit n’est constitué que s’il est constaté que cet abandon ou cette abstention est, en l’état des connaissances médicales, manifestement susceptible d’entraîner des conséquences particulièrement graves pour la santé physique ou psychique de la personne, compte tenu de la pathologie dont elle est atteinte. Il doit être établi que l’auteur a conscience que cet abandon ou cette abstention pourrait exposer cette personne à de telles conséquences.
  • S’agissant de l’incrimination de la provocation à adopter certaines pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique, prévue par le deuxième alinéa du nouvel article 223-1-2 du code pénal, le Conseil constitutionnel relève qu’il résulte de ces dispositions que ce délit n’est constitué que si son auteur diffuse des informations tendant à promouvoir l’adoption de pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique alors qu’il est manifeste que, en l’état des connaissances médicales, ces pratiques exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente. Il doit être établi que l’auteur de la provocation a conscience que ces pratiques pourraient exposer les personnes qui les adoptent à de telles conséquences.

Dès lors, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions instituant le délit contesté ne revêtent pas un caractère équivoque et sont suffisamment précises pour garantir contre le risque d’arbitraire.

Par l’ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel écarte le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines.

  • En réponse au grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’expression et de communication, le Conseil constitutionnel rappelle que, aux termes de l’article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». L’article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe les règles concernant… les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Sur ce fondement, il est loisible au législateur d’instituer des incriminations réprimant les abus de l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui portent atteinte à l’ordre public et aux droits des tiers. Cependant, la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s’ensuit que les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi.
  • Par ailleurs, la décision de ce jour censure comme cavalier législatif, c’est-à-dire comme irrégulièrement introduit dans la loi au regard de l’article 45 de la Constitution, l’article 2 de la loi déférée.
Conseil constitutionnel, 08/05/2024